Intoxication au CO

Dr Francois Lecomte (SAU Cochin), Dr Karolina Rogowska et Dr Jean-Christophe Allo (SAU Hôtel Dieu)

 mardi 24 mars 2015  |  Mars 2015  |  0 Commentaires
  SAU Cochin - Hôtel Dieu

Intoxication au monoxyde de carbone (CO)

 Messages importants

 L’intoxication par le monoxyde de carbone est la première cause de décès par intoxication en France (100/an). Elle est sous diagnostiquée (les symptômes en rapport avec l’intoxication sont peu spécifiques)

 Les intoxications oxycarbonées surviennent dans un espace fermé soumis aux rejets de gaz de combustion dans 4 grands types de situation :

  • mauvaise évacuation des produits de combustion : conduits de fumée obstrués responsable d’un défaut d’évacuation des gaz issus de la combustion
  • absence ou mauvaise ventilation/aération de la pièce où est installé l’appareil à combustion : combustion incomplète = émission de CO
  • mauvais entretien des appareils de chauffage et de production d’eau chaude : les combustibles ne brûlent pas correctement et peuvent provoquer des émanations de CO
  • mauvaise utilisation de certains appareils (appareils de chauffage d’appoint utilisés trop longtemps, groupes électrogènes utilisés en intérieur...).

 dans la mesure où le prélèvement est souvent réalisé à distance de l’intoxication, il n’y a pas de parallélisme entre la valeur mesurée et l’intensité du tableau clinique

  • le dosage sert à confirmer le diagnostic mais la clinique prime le dosage pour les indications thérapeutiques

 La PaO2 est en règle normale et la SaO2 faussement rassurante (hypoxie tissulaire liée au remplacement des molécules d’O2 par le CO sur l’Hb)

 Le dosage des lactates peut-être modérément élevé au cours de l’intox au CO. Son élévation importante doit faire suspecter une intoxication cyanhydrique associée

 La liaison entre l’Hb et le CO est réversible en 6 heures à l’air, en 90 minutes sous 02 pur et en 20 minutes en oxygénothérapie hyperbare

 Si l’on suspecte une intox au CO sans pouvoir la confirmer du fait d’une consultation tardive (au-delà de T ½ = 5h) il est nécessaire de réaliser une détection de CO dans le lieu de vie suspect (centre antipoison et de toxicovigilance de Paris 01 40 05 48 48)

 Le syndrome post-intervallaire survient entre le 2e et le 40e jour (en moyenne à 3 semaines)

 Origine du CO

 Le CO est un gaz incolore inodore et non irritant produit par la combustion incomplète d’une énergie inflammable (apport insuffisant en oxygène empêchant l’oxydation complète en CO2). Il diffuse très vite dans l’environnement et peut être mortel en moins d’une heure

  • toutes les énergies inflammables peuvent en produire : bois, charbon, pétrole, kérosène, kerdane, mazout, essence, gaz butane, propane, et gaz naturel (méthane)

 L’intoxication accidentelle résulte :

  • d’appareils ménagers à combustion défectueux
    • chaudières (gaz, fioul, charbon), chauffe eau ou chauffe bains au gaz, cuisinière gaz ou charbon, convecteur fioul ou charbon
  • d’anomalies de l’installation ou de l’entretien
    • aération ou évacuation des gaz brulés non-conformes, défaut d’étanchéité ou obstruction des conduits
  • causes météorologiques
    • le redoux des températures associé à une humidité importante et un vent faible réduisent le tirage des conduits d’évacuation des gaz brulés, augmentant le risque d’intox au CO surtout chez les utilisateurs d’un appareil de chauffage au charbon
  • usage d’un appareil dangereux
    • brasero, poêle à pétrole ou au gaz non raccordé (appareil de chauffage d’appoint mobile) groupe électrogène utilisé dans un lieu clos

Sources possibles de monoxyde de carbone dans une habitation (© Drass/Ddass Poitou-Charentes)

 Toxicité du CO

 La toxicité CO est liée :

  • à la fixation du CO sur l’Hb réduisant la saturation de l’Hb en O2 responsable d’une hypoxie (l’affinité du CO pour Hb est 230 fois supérieure à celle de l’02)
  • à une toxicité cellulaire directe (composante immunologiques et inflammatoires)
  • à la durée d’exposition
  • à la concentration de CO dans l’air : 0,1 % tue en 1 heure ; 1 % tue en 15 minutes ; 10 % de CO dans l’air tue immédiatement (teneur uniquement rencontrée lors d’un incendie)

 La suspicion clinique d’intoxication est confirmée

  • par la mesure du CO atmosphérique sur le lieu de l’intoxication par les services de secours ≥ à 10 ppm
  • par le dosage du CO expiré sur le lieu de l’accident
  • par le dosage sanguin d’HbCO
    • ce dosage est à effectuer le plus tôt possible (sang veineux ou artériel) en notant si le patient a recu une oxygénothérapie au préalable car une oxygénothérapie avant le dosage de l’HbCO déplace modérément le CO et peut minimiser le résultat
  • interprétation des résultats en faveur d’une intoxication :
    • en présence de signes cliniques
      • HbCO > 6 % chez un fumeur
      • HbCO > 3 % chez un non-fumeur
    • en l’absence de signes cliniques
      • HbCO > 10 % chez un fumeur
      • HbCO > 6 % chez un non-fumeur
  • la valeur de la carboxyhémoglobine intervient comme outil d’aide au diagnostic. Supérieure aux seuils indiqués elle affirme l’intoxication, inférieure, aucune conclusion n’est possible (le prélèvement est souvent réalisé à distance de l’intoxication)

 La PaO2 est normale (sauf si atteinte pulmonaire associée). La saturation est faussement normale en revanche si elle est mesurée par un appareil non muni de co-oxymètre (qui déduit la saturation de la PaO2

Symptômes
 intoxication aigue (le caractère collectif et/ou récidivant des symptômes est évocateur)

  • signes initiaux :
    • céphalées, nausées, vomissements, vertiges, faiblesse musculaire, trouble du comportement, troubles visuels hyperreflexivité tendineuse
  • signes de gravité :
    • coma hypertonique, trismus, convulsions, hyperthermie, sueurs et coloration " cochenille " des téguements (rare et grave), HTA, troubles musculaires (rhabdomyolyse responsable d’une IRA), détresse respiratoire, souffrance myocardique (tachycardie, troubles du rythme, troubles de la repolarisation, IDM)
  • facteurs aggravants
    • intox OH ou médicamenteuse
    • lésions traumatiques
    • intoxication aux fumées d’incendie
    • tares associées (comorbidité cardiopulmonaire)
  • on peut distinguer de manière approximative en fonction des taux d’HbCO :
    • céphalées angor (10-20 % d’HbCO)
    • nausées vertiges (20-30% d’HbCO)
    • confusion céphalées sévères (30-40 % d’HbCO)
    • coma, convulsions (50-70% HbCO)
    • décès, défaillance cardiorespiratoire (>70% HbCO)

Toxicité en fonction concentration CO

 à distance de l’exposition :

  • syndrome post intervallaire : signes neuropsychiques apparaissant 7 à 21 j après l’intoxication
    • céphalées, vertiges, sensation de faiblesse musculaire, hyperreflectivité tendineuse, troubles visuels, troubles auditifs, manifestations psychiatriques
  • syndrome séquellaire
    • syndrome parkinsonien, surdité de perception, polynévrites, troubles du comportement

 TRI IAO

 Niveau 1 : Troubles de conscience ou notion de perte de connaissance, femme enceinte, signes de choc (TA basse, tachycardie, marbrures…)
 Niveau 2 : les autres cas

 Prise en charge thérapeutique

 La liaison entre l’Hb et le CO est réversible en 6 heures à l’air, en 90 minutes sous 02 pur (FiO2 100%) et en 20 minutes en oxygénothérapie hyperbare

  • soustraction à l’ambiance toxique
  • oxygénothérapie à haut débit le plus précocement possible sans attendre résultats de l’HbCO. 8-10 l d’O2 au masque haute concentration pendant minimum 6 h (jusqu’à 12h)
  • oxygénothérapie hyperbare (intérêt dans les 6 premières heures) :
    • femme enceinte quelle que soit la gravité initiale +++
    • coma +++
    • perte de connaissance
    • signes neurologiques (signes d’irritations pyramidale : ROT vifs, Babinsky, …)
    • ischémie clinique ou électrique, trouble de conduction
    • le patient est un enfant
    • le caisson est contre indiqué en cas de penumothorax non drainé ou de bronchospsme majeur
    • deux caissons hyperbares sont disponibles en Ile de France
      • Val de Grâce : 01.40.51.40.00. (postes 45.11 ou 45.12)
      • Garches (Hôpital Raymond Poincarré) : 01.47.10.77.82
    • une oxygénothérapie hyperbare déplace le CO de l’Hb. Le CO libéré se fixe sur la myoglobine ou il constitue un stock qui ne demande qu’à être relargué pour se refixer à l’Hb. Il est donc nécessaire de poursuivre l’O2 à haut débit pendant au moins 4h après l’O2 hyperbare
  • prise en charge symptomatique habituelle des complications associées (coma, détresse respiratoire,…)
  • prise en charge des intoxications associées en cas de fumée d’incendie avec en particulier l’intoxication à l’acide cyanhydrique responsable d’un tableau de défaillance multiviscérale avec état de choc et élévation importante des lactates qui nécessite l’injection d’hydroxycobalamine (vit B12). Cette injection est réalisée systématiquement dès la prise en charge en cas d’exposition aux fumées d’incendie avec troubles de la conscience

Caisson hyperbare (© A. Jimenez, SC)

 Orientation

 En réanimation médicale :

  • état de choc, patients comateux, patients ayant convulsé, rhabdomyolyse grave, ARDS, décompensations graves de tares préexistantes
     En médecine interne : décompensation de tares pré-existantes
     En cardiologie : ischémie clinique ou électrique
     Sortie
  • soit taux infra toxique d’HbCO ayant reçu moins d’une heure d’oxygène avant le dosage, soit après oxygénothérapie hyperbare puis normobare de 4 heures, soit après oxygénothérapie normobare seule mais de 6 heures.
  • sous trois conditions :
    • rééquilibration d’éventuelles tares préexistantes décompensées
    • lettre au médecin traitant pour cs à J15 pour éliminer les syndromes post-intervalaires
    • s’assurer que les autorités sanitaires ont été prévenues (systématiquement fait en cas d’intervention des pompiers pour suspicion d’intoxication au CO). Si le diagnostic est fait à postériori aux urgences et qu’il reste des personnes sur place appeler la brigade des sapeurs pompiers de Paris au 01.47.54.68.35 (coordination médicale des sapeurs pompiers de Paris) et/ou le centre antipoison et de toxicovigilance de Paris (01 40 05 48 48) qui mettra en œuvre une enquête environnementale menée par les délégations territoriales de l’ARS (en lien avec les Services Communaux d’Hygiène et de Santé) et le Laboratoire Central de la Prefecture de police selon le lieu de l’intoxication. Celle-ci permet de déterminer les circonstances et la ou les source(s) à l’origine de l’accident afin de proposer des mesures d’élimination ou de réduction du risque d’intoxication

 Bibliographie

 Intoxication aigüe par le monoxyde de carbone, Réan Urg 1992 ; 1 : 723,735.
 Guide pratique des urgences médicales. Axel Ellrodt, Ed Estem
 Fiche ARS Nord-Pas-de-Calais, Intoxication au monoxyde de carbone, Mai 2014

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