Prise en charge des hypertensions intra-crâniennes non tumorales par oedeme cérébral en réanimation

 1996  |  Décembre 2004  |  0 Commentaires
  UOL

Paris, le 14 Décembre 1990

De nombreuses circonstances pathologiques justifiant le recours à la Réanimation sont susceptibles d’engendrer un œdème cérébral (OC) et par conséquent une hypertension intracrânienne (HIC). Pourtant, s’il s’est avéré qu’une HIC non contrôlée est associée à un mauvais pronostic, il n’est pas démontré que le contrôle de la pression intracrânienne (PIC) améliore le pronostic qui peut dépendre plus de la lésion génératrice d’OC que du niveau de PIC. Si le diagnostic d’OC est relativement aisé grâce aux récents développements de l’imagerie médicale, l’appréciation de son retentissement sur la PIC et le débit sanguin cérébral (DSC) semble plus problématique. L’objectif de cette 7e Conférence de Consensus qui s’est tenue à Paris le 14 décembre 1990 était de clarifier la physiopathologie de l’HIC par OC et d’en proposer une stratégie de prise en charge. Le Comité de Consensus avait pour tâche de répondre à 5 questions préalablement posées.

 Quels sont les œdèmes cérébraux susceptibles d’entraîner une hypertension intracrânienne ?

La cavité crânienne est une enceinte inextensible qui contient l’encéphale, son système vasculaire et le LCR. La PIC est inférieure à 15 mmHg. L’HIC est la conséquence d’une augmentation des volumes à l’intérieur de la cavité crânienne du fait : du développement d’un processus occupant de l’espace ("space occupying lesion"), d’une accumulation active de LCR à l’intérieur des cavités ventriculaires (hydrocéphalie), d’une stase par obstacle au retour veineux sinusien ou jugulaire ou en cas de vasodilatation physiologique ou pathologique, d’un OC réactionnel à un processus pathologique encéphalique ou extra-encéphalique. L’OC se définit comme une augmentation de la teneur en eau du tissu encéphalique ayant pour conséquence une augmentation de volume de l’encéphale. Il entraîne une élévation de la PIC quand, dans un intervalle de temps donné, le volume ajouté dépasse les possibilités de compensation spatiale. La survenue d’une HIC dépend de la compliance des espaces crânio-rachidiens et de la vitesse de formation de l’œdème. L’HIC produit des modifications circulatoires mettant en jeu : l’autorégulation du débit cérébral au cours des variations de pression de perfusion cérébrale transmurale (PPC) qui provoque une vasodilatation réflexe en présence d’HIC, la pCO2 et le pH locaux, la consommation d’O2 cérébrale, le volume sanguin cérébral. Toute lésion cérébrale peut altérer l’autorégulation, rendant dès lors le DSC dépendant de la PPC transmurale.

 Comment doit-on mesurer la pression intracrânienne ?

On classe habituellement les capteurs de PIC en fonction de leurs sites d’implantation : intra-ventriculaire, intraparenchymateux, sous-dural, extra-dural. Aucun travail métrologique ne définit ni les caractéristiques du capteur idéal, ni la précision et la variabilité acceptables pour une bonne mesure de la PIC. Le capteur intraventriculaire est la méthode de référence. Il permet un drainage du LCR et a donc l’avantage d’être un système diagnostique et thérapeutique. Le capteur intraparenchymateux à fibres optiques est le dernier apparu ; il est plus simple à mettre en place et permet une mesure précise de la PIC. Les capteurs extra-duraux, plus faciles à implanter et de coût modéré ne fournissent qu’une estimation de la PIC et leur emploi ne peut être recommandé pour mesurer fiablement et monitorer la PIC. La mortalité liée au monitorage de la PIC est voisine de zéro, la morbidité par infections ou hémorragies est évaluée entre 1 et 10 % selon les auteurs. La validité de la mesure est conditionnée par la qualité du zéro, l’absence de dérive et les possibilités de calibration. Le niveau du zéro est le plan horizontal passant par la moitié de la distance tragus-commissure palpébrale externe. La courbe doit être visualisée et montrer l’aspect caractéristique du pouls cérébral. L’enregistrement continu permet de visualiser les variations respiratoires physiologiques, les ondes pathologiques de l’HIC (ondes A de Lundberg), ainsi que la tendance. Les données utiles sont les pressions systolique, diastolique et moyenne instantanées, et la pression moyennée pendant un intervalle de temps de 5 mn. La valeur de la PIC et ses variations sont influencées par des facteurs intra et extra-cérébraux. Sa valeur normale est inférieure à 15 mmHg. On définit l’HIC dès 20 mmHg en neurotraumatologie. L’intervalle compris entre 15 et 20 mmHg est considéré comme la zone d’incertitude. Un niveau de 25 mmHg pendant un temps supérieur à 5 mn est sûrement dangereux. Un niveau supérieur à 40 mmHg pendant un temps supérieur à 5 mn engage le pronostic vital chez le traumatisé crânio-encéphalique (HIC menaçante). La définition du seuil dangereux doit cependant tenir compte de la PPC. Du fait d’une autorégulation déficiente, une PPC inférieure à 50 mmHg est toujours associée à une chute du DSC. Le monitorage de la pression artérielle moyenne par voie sanglante et le calcul de la PPC sont indissociables du monitorage de la PIC.

 Dans quelles situations la mesure de la pression intra-crânienne est-elle recommandée ?

Les indications de la mesure de la PIC demeurent controversées. Cependant, l’ensemble des données accumulées en neurotraumatologie montre que dans ce domaine la mesure de la PIC est le moyen principal permettant d’affirmer l’existence et de quantifier une HIC, et d’en surveiller l’évolution chez les patients comateux et/ou sous sédation de définir une stratégie thérapeutique, d’identifier les malades à risque d’HIC menaçante, de maintenir la PPC au niveau choisi, de permettre une évaluation des nouvelles thérapeutiques de l’HIC. De plus, le niveau de PIC est un des déterminants majeurs et précoces du pronostic. Chez le traumatisé crânien, la mesure de la PIC est recommandée dans les situations suivantes : Glasgow Coma Score inférieur à 8, sauf si la tomodensitométrie (TDM) est normale, TDM suggérant une HIC, association à un traumatisme thoracique sévère, et d’une façon générale chaque fois qu’une sédation est nécessaire. Dans les HIC d’origine médicale, il n’y a pas actuellement d’indication clairement démontrée du monitorage de la PIC.

 En dehors de la mesure de la pression intra-crânienne, existe-t-il des méthodes permettant de faire le diagnostic et d’apprécier le risque d’une hypertension intra-crânienne ?

Les résultats des examens neurologiques et l’évolution du score de Glasgow ne sont pas spécifiques de l’HIC chez le malade dans le coma. C’est pourquoi des examens complémentaires sont indispensables pour définir la cause de l’HIC et sont parfois les seuls permettant de suivre l’évolution. Parmi les examens complémentaires, la TDM est systématique, en urgence, sans injection de produit de contraste. Elle fournit le diagnostic lésionnel dans un grand nombre de cas, elle montre des signes directs d’OC focal ou diffus. Elle objective des déplacements et des modifications de volume du système ventriculaire, des espaces sous-arachnoïdiens et des citernes qui témoignent de l’HIC et d’éventuels engagements. L’interprétation du scanner doit tenir compte de l’âge. L’analyse de l’image ne permet pas de quantifier l’HIC et donc d’en apprécier le risque. L’importance de cet examen est cependant capitale car une TDM normale dispense de la mesure invasive de la PIC. En fonction du contexte étiologique la TDM devra être répétée soit de principe (accident ischémique), soit devant une aggravation clinique. L’imagerie par résonance magnétique nucléaire est un bon reflet de la teneur en eau du tissu cérébral mais n’a pas d’indication en urgence en l’état actuel de son évaluation et du fait des contraintes logistiques qu’elle impose. La surveillance continue de la saturation veineuse jugulaire en oxygène permet théoriquement le diagnostic d’hyperhémie ou d’hypoperfusion cérébrale au cours de l’HIC et pourrait participer à l’orientation des choix thérapeutiques. La mesure du débit carotidien interne par Doppler pulsé et le Doppler transcrânien sont en cours d’évaluation mais, dans l’état actuel, ces paramètres ne permettent pas de prédire la gravité de l’HIC.

 Quelles sont les stratégies thérapeutiques recommandables en présence d’une hypertension intracrânienne par œdème cérébral ?

L’objectif d’une prise en charge efficace d’une HIC est de traiter la lésion causale, de diminuer la PIC et de maintenir une PPC adéquate. L’augmentation de la PIC est un critère pronostique défavorable mais il n’est pas prouvé que sa diminution améliore l’évolution. Il n’y a pas de stratégie univoque, mais il y a lieu de corriger dns tous les cas les facteurs susceptibles d’aggraver l’HIC ou de diminuer la PPC. Les mesures générales proposées ont pour but de corriger l’hypoxémie, l’hypercapnie, l’hypotension, les poussées d’hypertension artérielle, les troubles hydroélectrolytiques, l’hyperthermie, les crises d’épilepsie, même infracliniques. Une sédation par Benzodiazépines à demi-vie courte est souvent nécessaire. Quant aux mesures spécifiques, toutes les études ont montré l’inefficacité, en dehors des œdèmes d’origine tumorale, des corticoïdes quelle que soit l’étiologie de l’HIC. Il en va de même des barbituriques bien qu’ils diminuent transitoirement la PIC. Le mannitol diminue la PIC à des posologies de 0,25 g/kg en bolus de 20 mn qui sont répétés soit en fonction du niveau de PIC, soit, en l’absence de documentation de la PIC, toutes les 4 h sans dépasser 3 g/kg/24h. Il ne modifie cependant pas l’évolution de l’HIC ischémique. Dans cette indication, l’efficacité du glycérol IV (50 g/24 h) mérite d’être confirmée. L’hyperventilation_(PaCO2 = 25-30 mmHg) est indiquée dans l’HIC traumatique pour abaisser rapidement la PIC ; mais il n’y a pas d’indication préventive et l’effet rebond doit être prévenu par un sevrage progressif. L’HIC post-traumatique représente une bonne indication du drainage ventriculaire externe avec monitorage de la PIC, il est également indiqué dans les HIC par hydrocéphalie aigüe au cours des méningites, des hémorragies ventriculaires, des infarctus ou des hématomes cérébelleux. Dans ces deux derniers cas, l’exérèse directe de la lésion doit être discutée, de même que celle des hématomes ou des foyers d’attrition sustentoriels situés en "zone muette". Les inhibiteurs calciques, les antagonistes des récepteurs de la N-Méthyl-D-Aspartate (NMDA), et les antiradicaux libres restent à évaluer. En dehors des mesures thérapeutiques générales et de la prise en charge des traumatisés crâniens dans des centres spécialisés, il n’y a pas de stratégie clairement définie. l’évaluation des traitements de l’HIC par OC et de sa prévention nécessitera la réalisation d’études contrôlées multicentriques.

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