Prise en charge des complications de la cirrhose

 mardi 27 novembre 2007  |  Novembre 2007  |  0 Commentaires
  SAU Cochin - Hôtel Dieu

 1) Messages importants :

 Evolution ultime de toutes les maladies chroniques du foie, la cirrhose est un état précancéreux.

 La cirrhose est soit compensée, c’est à dire asymptomatique, soit décompensée : des signes d’insuffisance hépatocellulaire sont alors présents. Une cirrhose compensée est évoqué si le foie est ferme à la palpation ou dysmorphique à l’imagerie dans un contexte évocateur. Toute cirrhose, même compensée, peut se compliquer d’une hypertension portale ‘occulte’. La splénomégalie associée à ma cirrhose est le reflet de l’hypertension portale.

 Tous les patients ayant une cirrhose grave ont une diminution du débit de filtration et sont à risque d’aggraver brutalement leur fonction rénale, notamment après injection de produits néphrotoxiques (iode, aminosides, AINS).

 L’ascite est secondaire à l’hypertension portale, à l’insuffisance
hépatocellulaire et à l’insuffisance rénale. Une ascite clinique correspond à un volume d’au moins 2,5L. Toute ascite est infectée jusqu’à preuve du contraire et doit être ponctionnée (Cf CODU ascite).

 Tout patient cirrhotique décompensé est infecté ou va s’infecter. Toute cirrhose décompensée est en train de saigner ou va saigner.

 La plupart des cirrhotiques graves suivis sont traités par bêtabloquants non-cardiosélectifs.

 Une fois le diagnostic établit, surtout si patient suivi en hépatologie à Cochin, prévenir les médecins du service du Pr Pol. Poste 13003, 13007. Demander le chef de la salle, responsable des avis et des admissions dans le service.

 2) Physiopathologie :

 L’insuffisance hépatocellulaire est une inadéquation entre besoins de l’organisme (synthèse, détoxication) et réserve fonctionnelle hépatique. Les signes d’insuffisance hépatocellulaire (> 5 angiomes stellaires dans le territoire cave supérieur, ictère, encéphalopathie, hypogonadisme, hypocoagulabilité, hypercinésie circulatoire, ongles blancs, érythrose palmaire, oedèmes des membres inférieurs, propension aux infections…)

 L’hypertension portale est secondaire à une élévation des résistances intrahépatiques. L’élévation de la pression portale est responsable de l’ouverture de shunts préexistants entre le territoire porte et le territoire cave.

 Les anastomoses porto-caves supérieures sont gastriques et oesophagiennes. La tension superficielle des varices œsophagiennes (VO) dépend de la pression et du débit portal. Une majoration de la tension superficielle des VO sous-muqueuses conduit à une rupture de leur paroi dénuée d’adventice. Toute pathologie responsable d’une élévation du débit cardiaque (sepsis) ou de la pression portale (thrombose porte, souvent tumorale) peut conduire à une rupture de VO. Les autres anastomoses porto-caves sont antérieures (circulation veineuse collatérale abdominale), inférieures (varices rectales), postérieures (anastomoses spléno-rénales).

 Une élévation du débit des shunts porto-caves peut conduire à une encéphalopathie (encéphalopathie porto-cave) par défaut d’épuration du sang portal.

 3) Appel téléphonique ou courrier électronique

 Réponse par le senior
 Si signes de gravité, conseiller l’appel du 15 pour transport médicalisé.

 4) Tri IAO

 Niveau 1 : si signes de choc, troubles de la conscience, saignement extériorisé.
 Niveau 2 : si fièvre, ascite, ictère, dyspnée, altération de l’état général.
 Niveau 3 : les autres cas

 5) Prise en charge en Box

 Niveau 1 : DECHOCAGE
 Niveaux 2 et 3 : BOX D’EXAMEN

Ascite
Mise en condition
 Voie veineuse. G5%. Vitamine B1 1g/jour.
 Bilan biologique :

  • Groupe, RH, RAI, NFS, TP, TCA, ionogramme, urée, créatinine, bilan hépatique complet, hémocultures, ECBU
  • Tubes de ponction d’ascite adressés en bactériologie, biochimie, cytologie, ensemencement du liquide d’ascite sur des flacons d’hémocultures aérobie et anaérobie.



- ECG, RP

 O2 en fonction de la saturation

 Pose d’une sonde gastrique 16 ch si suspicion d’hémorragie digestive

 Surveillance spécifique : hémodynamique, conscience, diurèse, ponction d’ascite.

Reconnaître l’ascite :
 Augmentation de volume de l’abdomen, prise de poids, souvent associée à des oedèmes des membres inférieurs.
 Matité déclive des flancs, tympanisme ombilical, hernie ombilicale pouvant se compliquer.
 Epanchement pleural souvent associé (en général à droite)

Etiologies :
 Ascite pauvre en protides (<20 g/L) : cirrhose, syndrome néphrotique, entéropathie exsudative
 Ascite riche en protides (>20 g/L) : Cancer, infections (tuberculose), insuffisance cardiaque, thrombose des veines sus-hépatiques.
 Toute ascite doit être ponctionnée (CODU fiche technique : ponction d’ascite).
 L’ascite infectée ne s’évacue pas.
 L’ascite s’évacue si le patient est gêné, ou si le traitement médical ne suffit pas (ascite réfractaire). L’évacuation d’ascite est décrite dans CODU fiche technique : ponction d’ascite.

Traitement de la cirrhose avec ascite :
 Repos au lit
 Traitement diurétique :

  • CI : insuffisance rénale, hyponatrémie sévère < 125 mmol/l, hyperkaliémie, sepsis, encéphalopathie, hémorragie.
  • Spironolactone : 75 mg/j (augmentation progressive des doses jusqu’à 300 mg/j en fonction de la réponse mesurée par la perte de poids)
  • Furosémide avec doses initiales de 40 à 80 mg/j à augmenter jusqu’à 120 mg/j (dans un second temps si pas de réponse à la spironolactone)



Régime :

 régime hyposodé (2 à 3 g de sel par jour).

 restriction hydrique : 1000 ml par jour, voire plus stricte si hyponatrémie.

Rechercher/traiter les facteurs favorisants :

 apports excessif de NaCl, médicaments (AINS, psychotropes, neuroleptiques, vasodilatateurs, glycirrhizine).

 CHC, thrombose portale, infection, hépatite alcoolique aigüe, hémorragie digestive

Infection du liquide d’ascite
Mise en condition
 Voie veineuse. Sérum salé isotonique (9%). Vitamine B1 1g/jour. Commander de l’albumine 20%.
 Bilan biologique :

  • Groupe, RH, RAI, NFS, TP, TCA, ionogramme, urée, créatinine, bilan hépatique complet, hémocultures, ECBU



- Tubes de ponction d’ascite adressés en bactériologie, biochimie, cytologie, ensemencement du liquide d’ascite sur des flacons d’hémocultures aérobie et anaérobie.

 Antibiothérapie par voie IV dès les prélèvements effectués.

 ECG, RP (épanchement pleural en rapport avec l’ascite plus souvent à droite)

 O2 en fonction de la saturation

 Pose d’une sonde gastrique 16 ch si suspicion d’hémorragie digestive

 Surveiller : hémodynamique, conscience, diurèse, HGT.

 Ascite= ponction exploratrice (cytologie, bactériologie, biochimie, 2 flacons d’hémoculture ensemencés au lit du malade).

Infection de liquide d’ascite :
 = PNN > 250 /mm3. L’examen direct peut être faussement négatif.
 Un patient cirrhotique avec une ascite infectée a été / est / va être bactériémique. Les hémocultures, l’ECBU sont souvent positifs. Bactériémie => sepsis sévère => choc septique.
 L’infection d’ascite est souvent associée à un ictère, une encéphalopathie, une hémorragie digestive, une diarrhée, des douleurs abdominales.
 La moitié des patients cirrhotiques ayant une infection de liquide d’ascite vont décéder à 6 mois.

Antibiothérapie :
 Une fois les prélèvements effectués, en l’absence de contre-indication, par voie IV. Cefotaxime 50-100 mg/kg/jour en 3 fois en fonction de la fonction rénale. Ofloxacine 200 mg x 2.

Remplissage systématique :
 Albumine 20% 1,5 g / kg en 6 heures. Associé à des critalloïdes.
Pas de ponction évacuatrice (risque d’aggraver l’hypovolémie).

Lutter contre l’hypoglycémie :
 apport de sucre en fonction de l’HGT.
Transfert en milieu spécialisé :
 En réanimation si il y a une défaillance d’organe.
Hémorragie par rupture de varices oesophagiennes (VO)
Mise en condition
 Patient scopé, O2
 2 voies veineuses périphériques par cathlon vert ou gris, mettre du sérum physiologique à débit libre
 Prélever NFS, groupe, RH, RAI, TP, TCA, iono, urée, créatinine, CK, GDS, lactates, bilan hépatique complet, hémocultures, ECG
 Culots O négatifs si indiqués en urgence centre de transfusion, poste 12669/12667
 La sonde gastrique et le lavage gastrique ne sont pas contre indiqués.
 Pose d’une sonde gastrique et lavage à l’eau du robinet (injecter 2 x50 ml puis réaspirer tout ; répéter jusqu’à obtention d’un liquide clair.
 Préparation SE de glypressine ou d’octréotideâ (sandostatine) selon prescription et de l’Omeprazole SE.
 Préparation a la fibroscopie si indiquée (Faire 30 min avant 250 mg d’Erythromycine sur 20-30 min)
 Préparation a la mise en place d’une intubation et/ou a la pose d’une sonde de Blackmore sans traction ballonnets gonflés à l’air : Gastrique 200ml / Oesophagien 40-60 ml
Contrôle radio de la sonde
Ttt médicamenteux :

- Omeprazole 80 mg IVL puis 8 mg/h IVCSE avec

- En 1re intention :

  • Glypressine (terlipressine) : Bolus IVL toutes les 4h : 1 mg patient <50 Kg ; 1,5 mg 50-70 Kg ; 2 mg > 70 Kg. (le seul ayant montré une réduction de la mortalité, le syndrome hépatorénal est souvent associé). CI en cas d’insuffisance coronarienne ou d’artérite sévère (attention à l’extravasation au point de perfusion).



- En 2e intention :

  • Octréotide (sandostatine) 50 gamma (µg) /h en bolus puis relai IVCSE ou Somatostatine 250 gamma en bolus puis 250 gamma /h IVCSE



Traitement endoscopique :

 en réanimation, le plus souvent sous neuroleptanalgésie, patient déchoqué, ligature élastique, sclérose.

Mesures associées :

 Chercher/prévenir/traiter l’infection d’ascite : Céfotaxime 50-100 mg/kg/jour en 3 fois à adapter à la fonction rénale + ofloxacine 200 mg x 2 systématique)

- Ne jamais évacuer l’ascite : risque d’aggravation de l’hypovolémie et de précipiter un syndrome hépatorénal)

 Encéphalopathie : complication fréquente d’autant plus que l’insuffisance hépatocellulaire est grave.

 Préserver à tous prix la fonction rénale : arrêt des diurétiques, pas de néphrotoxiques, pas d’iode, lutter contre l’hypovolémie.

En cas d’échec des traitements :

 Pose d’une sonde de Blackmore (se fait le plus souvent après avoir intubé le patient sous séquence rapide par un expérimentateur entraîné)

 Shunt intrahépatique en radiologie interventionnelle (TIPS) pour passer un cap avant la greffe.

Encéphalopathie hépatique
Mise en condition
 Voie veineuse. Sérum salé isotonique (9%). Vitamine B1 1g/jour. Commander de l’albumine 20%.
 bilan biologique :

  • Groupe, RH, RAI, NFS, TP, TCA, ionogramme, urée, créatinine, bilan hépatique complet, hémocultures, ECBU

     Tubes de ponction d’ascite adressés en bactériologie, biochimie, cytologie, ensemencement du liquide d’ascite sur des flacons d’hémocultures aérobie et anaérobie.

     ECG, RP

     O2 en fonction de la saturation

     Pose d’une sonde gastrique 16 ch si suspicion d’hémorragie digestive

     Surveiller :
  • hémodynamique, conscience, diurèse, HGT.
 L’encéphalopathie hépatique est secondaire à un défaut d’épuration des toxines digestives par le foie. Elle est soit liée à une altération profonde de la fonction hépatique, soit à des anastomoses port-caves à haut débit liées à l’hypertension portale (encéphalopathie porto-cave). En règle générale, on trouve toujours un facteur déclenchant (sepsis, saignement, prise médicamenteuse, trouble métabolique). 



- Chercher et traiter le facteur déclenchant. Le lactulose est inefficace et souvent délétère (diarrhée, deshydratation).

 Le traitement de l’encéphalopathie chronique est la greffe hépatique.

Syndrome hépatorénal (SHR)
Mise en condition
 Voie veineuse. Sérum salé isotonique (9%). Vitamine B1 1g/jour. Commander de l’albumine 20%.
 Bilan biologique :

  • Groupe, RH, RAI, NFS, TP, TCA, ionogramme, urée, créatinine, bilan hépatique complet, hémocultures, ECBU

     Tubes de ponction d’ascite adressés en bactériologie, biochimie, cytologie, ensemencement du liquide d’ascite sur des flacons d’hémocultures aérobie et anaérobie.

     ECG, RP

     O2 en fonction de la saturation

     Pose d’une sonde gastrique 16 ch si suspicion d’hémorragie digestive

     Surveiller : hémodynamique, conscience, diurèse, HGT.
Insuffisance rénale compliquant l’insuffisance hépatocellulaire des cirrhoses graves (Child-Peugh C). Le SHR est secondaire à un défaut de perfusion des reins : elle se présente comme une insuffisance rénale fonctionnelle.
On distingue :
  • Le SHR de type 1 : IR aigüe d’allure fonctionnelle d’aggravation progressive et ne répondant pas au remplissage.
  • Le SHR de type 2 : IR aigüe d’allure fonctionnelle répondant au remplissage.

     On trouve très souvent un facteur déclenchant (sepsis, saignement, médicaments). Il faut identifier et traiter rapidement celui-ci.


  • Traitement :

     Remplissage : Albumine 1g/kg à J1 et 20 à 40 g/j de 5 à 15 j associé à des cristalloïdes.

     Noradrénaline 0,5-3mg/h.

     Terlipressine 1 mg 2 à 4 fois par jour. CI en cas d’insuffisance coronaire ou d’artérite sévère (attention à l’extravasation au point de perfusion).

     Le seul traitement du SHR de type 1 est la greffe. La dialyse et les autres techniques d’épuration n’ont pas montré d’efficacité.

    Syndrome hépatopulmonaire
    Pas de prise en charge spécifique
    O2 en fonction de la saturation
     Peut s’observer au cours de toutes hypertension portale, en générale cirrhotique. Résulte de l’ouverture de shunts artérioveineux pulmonaires, notamment au niveau des bases des poumons.  

    - Dyspnée s’aggravant typiquement en position assise par rapport a la position allongée (platypnée)
     Hypoxémie sur les GDS qui peut-être sévère et mal corrigée par l’oxygénothérapie standard

     5) Unité d’observation/USR

     Pour tous les patients dans l’attente du bilan

     6) Orientation

     Réanimation médicale ou chirurgicale
    Si défaillance d’organe ou saignement digestif
     Hépato-Gastro-entérologie
    En règle tous les autres patients
     Sortie envisageable
    Après discussion avec le médecin référent (possibilité de consultation rapide) si ascite connue en l’absence de signe de gravité clinicobiologique, après évacuation/compensation et si nécessaire en débutant (ou en renforçant) les diurétiques.

     7) Bibliographie

     JD Grangé. Infection au cours de la cirrhose. Gastroenterol clin Biol 2006 ; 30:891-898
     JD Grangé. Comment traiter et prévenir l’infection du liquide d’ascite. Gastroenterol Clin et Biol 2004 ; 28 :B278-B286
     C Chagneau. Traitement et prévention de l’infection du liquide d’ascite. Gastroenterol Clin Biol 2004 ; 28:B138-B145
     A Pariente. Comment traiter une première poussée d’ascite. Gastroenterol Clin Biol 2004 ; 28 : B256-B265
     A Pariente. Décompensation ascitique. Gastroentérol clin Biol 2006 ; 30 : 870-874
     C Duvoux. Comment traiter un syndrome hépatorénal. Gastroenterol Clin Biol 2004 ; 28 : B270-B277
     Conférence de consensus : complications de l’hypertension portale chez l’adulte. Paris, 4 et 5 décembre 2003)
     P Deltenre, P Maturin. Principes de prise en charge des complications des malades cirrhotiques. La revue du Prat Sept 2005 ; tome 55, n 14, pages 1555-1563

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