Priapisme

Dr Roger Ranerisson, Dr Jean-Christophe Allo (SAU Cochin) et Pr Thierry Flam (urologie Cochin)

 mercredi 8 février 2012  |  Mars 2015  |  0 Commentaires
  SAU Cochin - Hôtel Dieu

 1) Messages importants :

 Le priapisme est défini comme la survenue d’une érection anormalement prolongée (> 4 heures) souvent douloureuse et irréductible, en dehors de toute stimulation sexuelle.

 Le mécanisme érectile est semblable à un système hydraulique avec une entrée (l’artère caverneuse), une partie gonflable (les aréoles caverneuses) et enfin la voie de sortie (veine dorsale de la verge) qui laisse ou non sortir le contenu sanguin des aéroles)

 Le priapisme est lié à des anomalies de l’hémodynamique du sang intracaverneux et du blocage de la recontraction du muscle lisse érectile caverneux entrainant l’absence du drainage veineux des corps caverneux qui ne s’évacuent pas correctement par la veine dorsale profonde.

 Le gland et le corps spongieux qui se drainent normalement par la veine dorsale superficielle sont classiquement mous et flasques.

 La prise en charge repose sur un diagnostic du type physiopathologique du priapisme en opposant clairement :

  • le priapisme à bas débit anoxique et douloureux dont la prise en charge doit être urgente pour ne pas compromettre le pronostic ultérieur de la fonction érectile.
  • le priapisme à haut débit, non anoxique, non douloureux (prise en charge moins urgente),
  • le priapisme chronique récidivant, se rapprochant du priapisme veineux mais de mécanismes encore mal connus (dysfonctionnement endothélial de la 5 phosphodiestérase ?)

 Le risque d’impuissance séquellaire après un priapisme à bas débit par fibrose des corps caverneux est fonction du délai écoulé entre le début du priapisme et la mise en route du traitement.

 2) Diagnostics différentiels :

 épisode d’érection prolongée douloureuse (avec tumescence du corps spongieux et du gland
 prothèse pénienne

 infiltration métastatique des corps caverneux.

 3) Tri IAO

 Dépend du motif de consultation, de l’intensité et de l’ancienneté des symptômes.
Tri 2 ou 3

 4) Classification

A.PRIAPISME A BAS DEBIT OU ISCHEMIQUE :

 de loin le plus fréquent

 ne concerne que les corps caverneux (gland et corps spongieux flasques)

 anomalie de la détumescence en rapport avec un mauvais drainage caverneux par blocage de la recontraction du muscle lisse érectile caverneux (injections intra caverneuses de drogues érectogènes, prises médicamenteuses ou toxiques) et/ou par hyperviscosité sanguine caverneuse d’origine hématologique (drépanocytose, polyglobulie) ou iatrogène (solutés hyperlipidiques en nutrition parentérale)

 Etiologies

  • causes hématologiques : drépanocytose, polyglobulie, leucémies (LMC), thalassémies majeures, thrombocytémie essentielle, …
  • causes iatrogènes : injection intracaverneuse de drogues érectogènes (alprostadil intracaverneux : prostaglandine E1 : EDEX *, CAVERJECT*) et prise d’inhibiteur de la PDE5 (Tadafil, Vardenafil, Sildenafil)
  • causes toxiques et autres causes médicamenteuses : cocaïne, alcool, marijuana, antidépresseurs, neuroleptiques, corticoïdes, alpha bloquants, anti HTA, héparinothérapie
  • causes neurologiques : trauma crânien, tumeur cérébrale, pendaison, trauma rachidien avec atteinte médullaire, tabès, SEP…
  • causes néoplasiques : cancers pelviens (verge, prostate, vessie, testicule) et envahissement métastatique
  • causes vasculaires : thrombophlébites pelviennes,
  • causes idiopathiques : 30 à 50% des cas

B. PRIAPISME A HAUT DEBIT, NON ISCHEMIQUE :

 exceptionnel, intéresse les corps caverneux et souvent mais inconstamment le corps spongieux et le gland. Les corps caverneux ne sont pas ischémiques, le patient est donc peu voire non douloureux.

 survient après traumatisme périnéal, pénien, injection intracaverneuse traumatique (fistule artério-caverneuse) ; ou après chirurgie de revascularisation des impuissances de type vasculaire.

 absence classique de séquelles

 diagnostic clinique et confirmé par un doppler pulsé des vaisseaux péniens.

C. PRIAPISME RECIDIVANT :

 le plus souvent chez les patients présentant une maladie hématologique (1/3 de drépanocytaires), neurologique (périphérique ou centrale) ou toxique

 généralement à bas débit et anoxique

 épisodes le plus souvent d’érections prolongées de moins de 3 heures qui peuvent parfois évoluer vers un priapisme ischémique.

 5) Conduite à tenir

 Règles générales :

  • appel de l’interne de garde d’urologie
  • préciser les antécédents, le contexte de survenue, la durée du priapisme, les prises médicamenteuses.
  • priapisme à haut débit ou bas débit ? (en cas de doute : demander un doppler)
  • en dehors d’une cause évidente : faire NFS, plaquettes, TP, TCA, réticulocytes, éventuellement une électrophorèse de l’Hb, GDS caverneux.
  • poser une perfusion d’antalgique, utilisation possible du MEOPA®
  • penser éventuellement mise en place d’un patch d’Emla avant la ponction

 A. PRIAPISME A BAS DEBIT OU ISCHEMIQUE

  • En cas d’érection pharmacologique prolongée > 4 h après I.I.C. de drogues érectogènes : petits moyens (refroidissement de la verge, efforts physiques intenses ...) ; sinon auto injection intracaverneuse d’alpha stimulants
  • Chez le drépanocytaire :
    • entre 1 à 3 h : I.I.C. de phényléphrine (Néosynéphrine® AP-HP)
    • si > 3 h ou échec des injections : drainage des corps caverneux puis injection de phényléphrine
    • Toute survenue d’une douleur spontanée ou provoquée par la pression de la verge à valeur d’alarme, témoin d’une souffrance tissulaire imposant une ponction urgente associée si possible à une gazométrie du sang caverneux (un priapisme ischémique se caractérise par une PO2 < 30 mmHg, PC02 > 60 mmHg et pH < 7,25)
  • Traitement médical : Protocole d’injection intracaverneuse de phényléphrine (Néosynéphrine®) pour favoriser la contraction des corps caverneux : amp de 1 ml/5 mg :
    • Diluer 1 amp dans 9 cc de SSI : 10 cc = 5 mg (1 cc = 0,5 mg)
    • Injection de 0,5 mg de phényléphrine dilué dans 2 cc de SSI (aiguille de 25 G = sous cutanée) toutes les 10 minutes.
    • exemple : avec une seringue de 20 CC, prendre 6 cc de la première dilution, rajouter 12 cc de SSI et injecter 3 cc (0,5 mg) toutes les 10 minutes avec un maximum de 6 injections
    • cardioscope et prise régulière de la TA
  • Technique de ponction des corps caverneux :
    • Anésthésie locale préférable mais non indispensable, ou patch d’Emla
    • Utiliser un Butterfly (n° 19 pour les adultes et adolescents de plus de 12 ans, n° 21 pour les enfants).
    • Ponction directe dans le corps caverneux sur le bord latéral de la verge près du sillon balano-préputial, enfoncer jusqu’à la garde.
    • Examiner l’aspect du sang et prélever si besoin une gazométrie (le sang est d’autant plus noir et visqueux que l’épisode dure depuis longtemps)
    • Ne pas aspirer, ne pas laver
    • Pression manuelle douce jusqu’à l’obtention de sang rouge
    • Utiliser le Butterfly en place pour l’injection d’alpha stimulants
    • Terminer le geste par une compression de la verge afin d’éviter un hématome
  • Beaucoup d’auteurs s’accordent pour dire que le traitement médical est le traitement de choix jusqu’à la 24e heure.
  • Traitement médical spécifique : traitement étiologique des leucoses, de la drépanocytose…
  • Traitement chirurgical

  • Ne concerne que les échecs du traitement médical (priapismes veineux anoxiques vus trop tardivement)
    • Création d’une fistule caverno-spongieuse " à ciel fermé " : technique d’Ebbehoj, de Winter ( shunts distaux)
    • Création d’une fistule caverno-spongieuse " à ciel ouvert " : technique d’ Al Gohrab ( en distal ) ou de Quackles ( en proximal :voie périnéale )
    • Création d’une anastomose saphéno-caverneuse : technique de Grayhack

 B. PRIAPISME A HAUT DEBIT :

  • Prise en charge moins urgente
  • Ponction évacuatrice des corps caverneux
  • I I C d’alpha sympathomimétique, après élimination des contre-indications (scope obligatoire )
  • Embolisation sélective de l’artère honteuse interne, voire supra selective de l’artère caverneuse
  • Ligature chirurgicale si échec de l’embolisation
  • Si post-chirurgie de revascularisation : suppression du pontage épigastrico-caverneux ou ilio-caverneux

 C. PRIAPISME CHRONIQUE RECIDIVANT :

  • Eliminer une étiologie connue comme un sd d’apnée du sommeil responsable d’accident de désaturation sanguine entrainant un état d’hypercoagulabilité.
  • Education avec apprentissage d’auto I.I.C. d’alpha stimulants en cas d’érection prolongée > 3 h (chez patients drépanocytaires ou faisant des auto injections de drogues érectogènes)
  • Alpha stimulants per os au long cours type Midodrine
  • Anti androgènes non stéroidiens à faible dose type Androcur* (mais risque d’hypogonadisme et troubles de la fertilité à long terme )
  • Faible dose d’inhibiteurs de la 5 alpha réductase type Chibro-proscar*

 6) BIBLIOGRAPHIE :

 Bitker MO et al : Le priapisme. Encyc Méd Chir (Elsevier Paris),1993 ; 18-380-A-10

 Bondil P : Le priapisme : diagnostic et traitement en 2005 (CHG Chambéry) ; 12 èmes journées urologiques des Alpes mars 2007.

 Champion et al. Phosphodiesterase 5 A dysregulation in penile erectile tissue is a mechanism of priapism.Proc Natl Acad Sci USA 2005 ; 102 : 1661-6.

 Keoghane SR, Sullivan ME, Miller MA.The aetiology, pathogenesis and management of priapism.BJU Int 2002 ; 90 : 149-154.

 Roumeguère T. Traitement medical et chirurgical du priapisme spontané et iatrogène. EMC (Elsevier Paris),2009 ; 18-380-A-10.

 Virag R et al ;. Preventive treatment of priapism in sickle cell disease with oral and self intracavernous injection of etilefrine.Urology, 1996, 47 :777-781.

 Virag R : Recommandations pour la prise en charge du priapisme chez les patients drépanocytaires, Recommandations Decembre 2007 ; Centre de référence labellisé Maladies rares " Syndromes drépanocytaires majeurs ".

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