Associations d’antibiotiques ou monothérapie en réanimation chirurgicale et en chirurgie

 1999  |  Août 2009  |  0 Commentaires
  SFAR

Conférence d’experts

1999 - Texte court

Experts

C. Auboyer (anesthésie-réanimation chirurgicale, St Etienne), Coordonnateur, G. Beaucaire (infectiologie, Lille), H. Drugeon (bactériologie, Nantes), F. Gouin (anesthésie-réanimation chirurgicale, Marseille), J.C. Granry (anesthésie-réanimation chirurgicale, Angers), V. Jarlier (bactériologie, Paris), A.M. Korinek (anesthésie-réanimation chirurgicale, Paris), C. Martin (anesthésie-réanimation chirurgicale, Marseille), Ph. Montravers (anesthésie-réanimation chirurgicale, Amiens), T. Pottecher (anesthésie-réanimation Chirurgicale, Strasbourg), J.L. Pourriat (anesthésie-réanimation chirurgicale, Paris), B. Schlemmer (réanimation médicale, Paris), J.P. Stahl (infectiologie, Grenoble), M. Wolff (réanimation médicale, Paris)

L’optimisation de l’utilisation des antibiotiques impose la recherche d’une efficacité maximale, de conséquences écologiques minimales sur l’évolution des flores bactériennes, d’une moindre toxicité, et du meilleur rapport coût/bénéfice. Dans le but d’augmenter la bactéricidie, d’élargir le spectre antibactérien, voire de prévenir l’émergence de mutants résistants, les antibiotiques sont souvent utilisés en association. L’apparition de molécules dotées de CMI plus basses ou d’un spectre plus étendu n’a cependant pas conduit les cliniciens à remettre en cause l’intérêt des associations. Les recommandations établies par le groupe d’experts ont exclu : - les pneumopathies communautaires ; - les méningites communautaires ; - la maladie tuberculeuse ; - les endocardites primitives ; - les infections primitives du tractus digestif (typhoïde…) ; - les infections fongiques isolées ou associées ; - la pathologie infectieuse néonatale. Les àŸ-lactamines prescrites avec un inhibiteur des àŸ-lactamases ne sont pas considérées comme une association. Dans l’expression des recommandations, la nécessité d’un traitement chirurgical associé, parfois élément essentiel de la guérison, n’est pas abordée dans un souci de concision. Peu de recommandations exprimées dans ce texte reposent sur des essais de niveau I.

 Bases théoriques et expérimentales des associations d’antibiotiques

Les objectifs théoriques de la pratique d’une association sont :

Elargir le spectre

C’est l’objectif recherché le plus facile à atteindre, particulièrement dans le cadre de l’antibiothérapie probabiliste et du traitement des infections polymicrobiennes à flore mixte aéro- et anaérobie. Il est particulièrement justifié avec des antibiotiques à spectre étroit. De nouvelles molécules à spectre large en diminuent la nécessité sans méconnaître l’inactivité de certaines d’entre-elles sur certaines bactéries (staphylocoque méti-R, anaérobies ...)

Obtenir une synergie

La synergie résulte d’une interaction positive entre deux antibiotiques dont l’action antibactérienne conjointe est supérieure à la somme des actions de chacun des deux antibiotiques pris isolément. Une synergie ou un antagonisme observés in vitro ne sont pas toujours extrapolables en clinique. En effet, les conditions d’action in vivo de deux antibiotiques peuvent être influencées par des paramètres pharmacocinétiques et pharmacodynamiques mal pris en compte in vitro.

Les données expérimentales in vitro, à condition de reproduire des caractéristiques pharmacocinétiques proches de celles obtenues chez l’homme, permettent d’approcher l’intérêt potentiel d’une association.

In vitro, on observe une synergie essentiellement en associant deux antibiotiques bactéricides. La synergie d’une association vis-à-vis d’une espèce bactérienne n’est pas extrapolable à une autre espèce.

La recherche d’une synergie n’est habituellement justifiée que dans les situations où la bactéricidie est difficile à obtenir avec un seul antibiotique : index thérapeutique faible (rapport concentration locale/CMI faible), défenses locales ou générales inopérantes...

Diminuer l’émergence de souches résistantes

Au sein de la population bactérienne visée par le traitement, la proportion de mutants résistants varie selon l’espèce et selon l’antibiotique. Par exemple, la proportion de bactéries mutantes résistantes aux àŸ-lactamines par hyperproduction de céphalosporinase, est d’environ 10-6 pour Enterobacter cloacae, mais seulement de 10-10 pour Escherichia coli. La proportion de mutants résistant à la fois à deux antibiotiques est beaucoup plus faible puisque égale au produit des proportions de mutants résistant à chacun des deux antibiotiques. Le nombre absolu de mutants résistants est ainsi toujours en relation directe avec la proportion de mutants et la taille de la population bactérienne (inoculum). La sélection, sous traitement, de mutants résistants est conditionnée par les paramètres pharmacodynamiques. Elle n’est possible que si la concentration de l’antibiotique au sein du site infectieux est supérieure à la CMI de l’antibiotique vis-à-vis de la population sensible et inférieure à la CMI de l’antibiotique vis-à-vis de la sous-population résistante. De manière générale, le risque de sélection est particulièrement élevé :
 pour certains antibiotiques comme la rifampicine, les fluoroquinolones, l’acide fusidique, la fosfomycine ;
 pour certaines bactéries comme P. aeruginosa, Acinetobacter baumannii, Enterobacter spp, Serratia spp et les staphylocoques méti-R.…

En pratique, il est particulièrement élevé pour les bactéries hospitalières en cause lors d’infections nosocomiales vis-à-vis des antibiotiques habituellement utilisés :
 Staphylococcus aureus méti-R, lors d’un traitement par rifampicine, acide fusidique, ou fosfomycine ;
 bacilles à Gram négatif naturellement producteurs de céphalosporinases chromosomiques inductibles (P. aeruginosa, Enterobacter spp., Serratia spp., Citrobacter freundii, Providencia, Morganella) lors du traitement par une céphalosporine de 3e génération ou une pénicilline à large spectre ;
 P. aeruginosa et traitement par l’imipeneme ;
 S. aureus, P. aeruginosa, Enterobacter spp. et Serratia spp. ... lors d’un traitement par une fluoroquinolone.

Ces situations conduisent à recommander une association de deux antibiotiques, non affectés par un même mécanisme de résistance, et pénétrant tous deux correctement au site de l’infection, afin d’obtenir une bithérapie effective.

Il est nécessaire de rappeler qu’il faut utiliser des posologies suffisantes et un rythme d’administration prenant en compte les propriétés pharmacodynamiques de chacun des partenaires de l’association de manière à assurer : a) une concentration élevée au pic pour les aminosides ; b) une concentration résiduelle élevée pour les glycopeptides ; c) une aire sous la courbe optimale pour les fluoroquinolones ; d) un rythme d’administration des àŸ-lactamines adapté à leur demi-vie d’élimination.

Enfin, il faut mentionner que la réduction de l’inoculum bactérien (chirurgie, drainage), toujours recommandée, concourt aussi à la réduction du risque de sélection de mutants résistants.

Diminuer la toxicité du traitement

Cet objectif est illusoire. Les antibiotiques utilisés en association doivent être utilisés chacun aux doses préconisées par l’AMM. Les associations additionnent les risques d’effets indésirables de chaque médicament et peuvent être responsables d’une potentialisation de toxicité.

 Pour quelles bactéries une association ?

Bacilles à Gram négatif

L’usage d’une association est recommandé, quel que soit l’antibiotique utilisé, dans le traitement des infections à P. aeruginosa du fait de sa moindre sensibilité, de mécanismes particuliers de résistances et de la sélection fréquente de mutants résistant sous traitement. Bien que l’intérêt d’une bithérapie n’ait jamais été formellement démontré en clinique, une approche similaire peut s’envisager pour Acinetobacter spp., Enterobacter spp., Serratia spp. et les entérobactéries sécrétrices de àŸ-lactamases à spectre étendu ou ayant un niveau de résistance inhabituel par rapport à leur espèce.

Cocci à Gram positif

Pour les streptocoques et les entérocoques, il existe une synergie démontrée et constante entre une àŸ-lactamine et un aminoside (à l’exception des cas impliquant une souche ayant un haut niveau de résistance aux aminosides). Pour le traitement d’une infection grave à entérocoque, il est indispensable de recourir à une association à de la gentamicine (sauf exception). Pour les infections à S. aureus une association se justifie à la phase initiale du traitement particulièrement lorsque les conditions d’accès des antibiotiques au sein du tissu infecté sont aléatoires (endocardites, infections osseuses…). Lorsque la souche de S. aureus (méti-S. ou méti-R.) est sensible à la gentamicine, il faut souligner que l’association de cet antibiotique, plus que de tout autre, avec l’oxacilline ou la vancomycine, est synergique. Dans les infections à S. aureus méti-R.-genta-S., l’association vancomycine-gentamicine est probablement légitime. En revanche, on doit rappeler qu’il n’existe pas de preuve clinique de la supériorité des associations à l’égard des souches de S. aureus méti-R.-genta-R..

 Pour quels antibiotiques une association ?

Certains antibiotiques, caractérisés par un risque élevé de sélection de mutants résistants, comme l’acide fusidique, la fosfomycine ou la rifampicine, doivent toujours être utilisés en association. Pour les mêmes raisons, les fluoroquinolones doivent être utilisées en association (sauf dans les infections urinaires simples) pendant la phase initiale du traitement des infections à staphylocoque, à P. aeruginosa ou à d’autres bacilles à Gram négatif résistant à l’acide nalidixique.

 Pour quel terrain une association ?

Chez l’adulte

Le caractère inapproprié d’une antibiothérapie probabiliste, dans les infections graves, s’accompagne d’une augmentation de la mortalité, d’autant plus que le terrain est altéré (décès attendu dans l’année selon la classification de Mac Cabe).

Chez le patient neutropénique fébrile, les données disponibles montrent qu’une monothérapie de première intention par une àŸ-lactamine à large spectre est justifiée lorsque la neutropénie est dite à faible risque, c’est-à-dire peu profonde et de durée prévisible inférieure à sept jours. L’utilisation d’une monothérapie chez de tels patients, ayant habituellement subi une chimiothérapie pour tumeur solide, impose une surveillance étroite de l’évolution pour prendre une décision rapide d’élargissement ou d’adaptation du traitement. En revanche, une association d’antibiotiques est recommandée dans le traitement des états fébriles au cours des neutropénies à risque élevé.

Chez le nourrisson et l’enfant

L’infection chez le jeune enfant, et en particulier chez le nourrisson, se caractérise par sa rapidité d’évolution et le risque de séquelles fonctionnelles importantes (os, cerveau…). Cela nécessite une action rapidement bactéricide qui justifie souvent un traitement probabiliste faisant appel à une association. La prise en charge des pathologies infectieuses habituelles n’est pas fondamentalement différente de celle de l’adulte. Néanmoins, les modalités thérapeutiques doivent s’adapter à un choix de molécules moins large et à une pharmacocinétique différente des antibiotiques.

 Pour quelles pathologies une association ?

Pneumopathies nosocomiales

Pour le traitement des pneumopathies nosocomiales précoces, (survenant avant le 5e-7e jour) sans signe de gravité et sans facteur de risque de bactéries multi-résistantes, une monothérapie est probablement aussi efficace qu’une association. En revanche, pour les pneumopathies survenant tardivement au cours d’un séjour en réanimation ou chez des patients immunodéprimés (corticothérapie, chimiothérapie…), P. aeruginosa, et éventuellement S. aureus méti-R, doivent être pris en compte lors du traitement probabiliste et l’utilisation d’une association, voire d’une trithérapie, pour couvrir l’ensemble des probabilités s’avère justifiée dans l’attente des résultats des examens bactériologiques indispensables .

Méningites et abcès du cerveau

Ce sont des infections de haute gravité du fait de la pauvreté des mécanismes de défenses locales, de la difficulté d’accès des antibiotiques et de la gravité des lésions que peut engendrer le processus infectieux.

Streptocoques, anaérobies et parfois entérobactéries sont le plus souvent à l’origine des suppurations intraparenchymateuses communautaires, alors qu’en cas de complications infectieuses nosocomiales, les staphylocoques, des bacilles à Gram négatif et les corynébactéries peuvent être en cause.

Il n’y a pas d’argument pour affirmer ou infirmer l’intérêt d’une association qui est largement pratiquée, afin d’améliorer en théorie, dans des foyers difficiles d’accès, la bactéricidie, au moins dans la première phase du traitement. Elles sont utiles pour répondre à un risque plurimicrobien en particulier vis-à-vis des anaérobies grâce aux imidazolés.

Méningites nosocomiales

En traitement probabiliste, l’objectif est d’être actif sur les staphylocoques et les entérobactéries. L’association céfotaxime (ou ceftriaxone)-fosfomycine peut y répondre. Après identification, les méningites à staphylocoques méti-R peuvent aussi être traitées avec cette association ou par la vancomycine. Pour le traitement des méningites à entérobactéries, le choix entre une monothérapie ou une association se fera en fonction de la bactérie impliquée. Celles à P. aeruginosa doivent être traitées par une association. Lorsqu’une association à un aminoside se justifie, l’administration intrathécale peut être envisagée, et doit alors se faire par voie ventriculaire.

Abcès cérébraux

L’association est la pratique habituelle, au moins pendant le premier mois de traitement, avec recours à des antibiotiques possédant une bonne pénétration dans le parenchyme cérébral comme les fluoroquinolones, la rifampicine, la fosfomycine, les imidazolés, le cotrimoxazole, les phénicolés et à un moindre degré les aminopénicillines, les céphalosporines de 3e génération, l’imipeneme ou la vancomycine.

Infections intra-abdominales

Péritonites communautaires

Pour les cas de gravité modérée, où le traitement chirurgical a pu être correctement effectué, une monothérapie peut être utilisée. La molécule choisie doit être active sur E. coli et Bacteroïdes fragilis. L’adjonction d’un imidazolé n’est justifiée que dans le cas où la molécule choisie est inactive sur les anaérobies. Dans les formes graves, et a fortiori si le traitement chirurgical n’a pu assurer une éradication satisfaisante du foyer infectieux, une association comportant un aminoside et une pénicilline active sur les anaérobies peut être recommandée. L’association d’une céphalosporine de 3e génération au métronidazole est également efficace. La nécessité de prendre en compte les entérocoques n’est pas établie.

Péritonites nosocomiales

La flore bactérienne en cause est variée : P. aeruginosa, Acinetobacter, Enterobacter, Citrobacter, Enterococcus sp…. Une antibiothérapie probabiliste à large spectre doit être débutée précocement, le plus souvent par une association en raison de la gravité et de l’incertitude bactériologique. La conduite ultérieure du traitement et le choix éventuel du maintien de l’association ne doit être fondé que sur les résultats peropératoires des prélèvements microbiologiques profonds.

Infections urinaires

De nombreux antibiotiques ont une excellente diffusion urinaire. Leur pénétration tissulaire est cependant variable. Lorsque la bactérie est normalement sensible, une monothérapie est recommandée, en l’absence de collection, d’uropathie lithiasique obstructive, de signes de gravité, d’immunosuppression.

Endocardites nosocomiales et prothèses vasculaires

L’efficacité des antibiotiques est altérée par plusieurs facteurs : un inoculum élevé, une pénétration aléatoire au sein des végétations, l’existence de conditions locales défavorables (film fibrino-plaquettaire, activité métabolique bactérienne ralentie, défenses locales peu actives), présence d’un corps étranger pour les endocardites sur valves prothétiques. Les formes nosocomiales sont souvent dues à des cocci à Gram positif, essentiellement le staphylocoque. Dans ces conditions, une association, lorsqu’elle est possible et validée, doit être envisagée pour bénéficier d’une synergie, de conditions pharmacocinétiques complémentaires et prévenir l’apparition de mutants résistants. La durée de l’association et son type dépendent des bactéries en cause et des conditions (valve native ou prothétique, cœur droit ou gauche). Une association àŸ-lactamine-gentamicine est recommandée pour les entérocoques. Vis-à-vis du staphylocoque méti-R.-genta-S., l’association vancomycine-gentamicine est recommandée. Le bénéfice des autres associations est plus aléatoire, de même que celui des associations à la vancomycine pour le staphylocoque méti-R.-genta-R..

à€ partir de données expérimentales, il est recommandé de traiter les infections sur prothèses vasculaires avec une association.

Médiastinites

Les recommandations résultent d’extrapolations à partir d’autres pathologies.

Pour les médiastinites secondaires à une perforation œsophagienne, il semble logique d’appliquer une attitude similaire à celle recommandée pour les perforations digestives intra-abdominales.

Pour les médiastinites secondaires à la chirurgie cardiaque, le traitement probabiliste doit être actif sur le staphylocoque et les bacilles à Gram négatif. Pour répondre à cet objectif une association d’antibiotiques ayant la meilleure pénétration osseuse s’avère nécessaire.

Le traitement des médiastinites secondaires à des infections cervicofaciales doit couvrir la flore oropharyngée comportant des bactéries anaérobies. Une association est habituellement nécessaire.

Infections ostéo-articulaires

Les problèmes posés par les infections osseuses en milieu chirurgical se caractérisent par :
 un risque fonctionnel important ;
 les difficultés et l’inconstance de l’identification bactérienne ;
 la fréquence de bactéries d’origine hospitalière ;
 la difficulté de pénétration des antibiotiques ;
 les caractéristiques locales (corps étranger, slime, fibrine) qui modifient la sensibilité des bactéries aux antibiotiques ;
 la fréquence d’apparition de mutants résistant aux antibiotiques ayant la meilleure pénétration (rifampicine, fluoroquinolones, acide fusidique, fosfomycine…).

L’utilisation d’une association est donc nécessaire dès le début du traitement. La durée optimale de cette association, souvent prolongée, n’est cependant pas connue.

Les arthrites infectieuses doivent être également traitées par une association, habituellement plus courte, mais dont la durée optimale est inconnue.

Infections sur cathéter

Lorsque la gravité de la situation impose un traitement probabiliste le recours à une association est possible. Le traitement doit toujours prendre en compte le staphylocoque méti-R.

Infections de la peau et des tissus mous

Certaines sont monomicrobiennes, dues à Streptococcus pyogenes ou Clostridium perfringens, d’autres plurimicrobiennes (streptocoques, staphylocoques, bacilles à Gram négatif et anaérobies sensibles ou non aux àŸ-lactamines).

Chez ces malades, souvent chirurgicaux, devant la gravité locale ou générale, la rapidité d’extension des lésions, l’impossibilité sur l’aspect clinique d’affirmer la nature du germe responsable de l’infection, le traitement probabiliste comporte habituellement une association antibiotique.

Sepsis sévères d’origine indéterminée

La présence d’un sepsis sévère impose la prescription d’une antibiothérapie d’urgence. De nombreux agents pathogènes sont potentiellement impliqués et le traitement est le plus souvent probabiliste. Une association d’antibiotiques est généralement prescrite. Le choix habituel repose sur la prescription d’une àŸ-lactamine (active sur P. aeruginosa en cas d’infection nosocomiale) associée à un aminoside (gentamicine pour les infections communautaires ou nosocomiales précoces ; amikacine ou isépamicine dans les autres cas). Une fluoroquinolone peut parfois remplacer l’aminoside. Le choix des antibiotiques se discute en fonction du contexte clinique et épidémiologique.

 Réévaluation d’une association curative d’antibiotiques : maintien de l’association ou retour à la monothérapie ?

Les associations d’antibiotiques accentuent la pression de sélection et majorent le coût du traitement. Elles ne sont le plus souvent justifiées qu’en début de traitement. L ’élargissement du spectre n’est plus légitime, dès lors que le diagnostic bactériologique est obtenu et que le traitement peut être ciblé.

Les preuves cliniques du bien-fondé de l’emploi d’une association pour obtenir un effet synergique sont rares. On peut supposer qu’après deux à trois jours, maximum cinq jours de traitement, l’état du patient s’étant amélioré, l’inoculum bactérien étant réduit, il soit raisonnable de supprimer un des partenaires de l’association. Une très large expérience conforte cette attitude qui peut être appliquée à de nombreuses situations cliniques. Dans certaines situations très spécifiques comme les infections à entérocoques, les endocardites infectieuses, les infections osseuses, les données disponibles conduisent à l’utilisation d’une association pour une durée plus prolongée, voire pour la totalité du traitement.

Les données cliniques justifiant le maintien prolongé d’une association d’antibiotiques pour prévenir l’émergence de résistances bactériennes sont quasiment inexistantes.

Au total, dans la plupart des cas, le passage à une monothérapie doit s’envisager après deux à cinq jours. Lors de l’emploi d’une association àŸ-lactamine-aminoside ou fluoroquinolone, c’est la àŸ-lactamine qui est conservée. Lors de l’emploi d’une association fluoroquinolone-aminoside, c’est la fluoroquinolone qui doit être conservée. L’utilisation prolongée des aminosides n’est qu’exceptionnellement justifiée.

 Quand une association est-elle inutile ?

Les associations sont souvent inutiles.

Une monothérapie est possible dès le début du traitement :
 lorsque l’agent microbien est identifié, et que l’antibiotique choisi possède une CMI suffisamment basse pour obtenir au site de l’infection, grâce à ses données pharmacocinétiques, un quotient inhibiteur d’au moins 10 fois la CMI au pic pour les antibiotiques dépendant de la concentration (aminosides, fluoroquinolones) et d’au moins 4 ou 5 fois la CMI le plus longtemps possible pour les antibiotiques dépendant du temps (àŸ-lactamines, glycopeptides) ;
 en traitement probabiliste lorsque l’antibiotique utilisé possède un spectre suffisamment large pour agir sur les bactéries habituellement en cause, en respectant les critères pharmacodynamiques énoncés ci-dessus ;
 en traitement probabiliste lorsque la nature de la bactérie en cause peut être fortement suspectée et que l’infection ne présente pas un degré de sévérité élevé ; … avec des antibiotiques non associés à une fréquence élevée de mutation, donc autres que la rifampicine, l’acide fusidique, la fosfomycine ou dans une moindre mesure les fluoroquinolones.
 lorsqu’il s’agit de bactéries à faible risque de sélection de mutants résistant sous traitement (donc autres que P. aeruginosa, Acinetobacter spp, Enterobacter spp, Serratia spp, Citrobacter spp, staphylocoque...).

 Conclusion

Une association ne se justifie pas lors :
 de l’utilisation en traitement probabiliste d’une molécule à spectre suffisamment large pour l’infection considérée ;
 du traitement d’une infection par un antibiotique ayant une CMI très basse vis-à-vis de la bactérie responsable, permettant d’obtenir des quotients inhibiteurs locaux élevés ;
 de l’identification de bactéries ayant un faible pouvoir de mutation ou l’utilisation d’antibiotiques à faible pouvoir mutagène.

L’intérêt formel d’une association est souvent difficile à affirmer. Il existe néanmoins des situations où y avoir recours paraît raisonnable ou nécessaire :
 élargissement du spectre en particulier en situation de traitement probabiliste ;
 situations cliniques où les antibiotiques sont dans des conditions d’action difficiles (pénétration tissulaire imparfaite, geste chirurgical incomplet, présence d’un corps étranger) ;
 vis à vis de certaines bactéries modérément sensibles (P. aeruginosa…), particulièrement en début de traitement face à un inoculum important ;
 utilisation d’antibiotiques possédant un fort pouvoir de sélection de mutants résistants.

à€ l’exception des infections à entérocoques, des endocardites, des infections osseuses, et des abcès cérébraux le recours à une association est le plus souvent limité à la phase initiale du traitement (2 à 5 jours).

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